Le Monde propose un article sur la vie d'un correcteur pendant les epreuves du baccalaureat...
C'est tres instructif!
Morceaux choisis:
"Notre philosophe goûte le vocabulaire de la réunion. Dans la bouche du maître de séance, qui "parle couramment la langue de l'inspection", un bon devoir devient "une copie qui pense". Lorsque le niveau est un cran en dessous, "l'élève s'est battu avec le sujet". Il faut, dans tous les cas, "respecter un principe de bienveillance herméneutique" - traduction du correcteur : "Même si on ne comprend rien à la copie, il ne faut pas oublier qu'il y a une personne derrière."
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En 2001, un rapport de l'inspection générale a établi que cette "bienveillance herméneutique" n'était pas tout à fait respectée. [...] Le discours officiel de l'inspection a donc été depuis d'"utiliser toute la palette des notes de 0 à 20". Ce que Denis R. traduit par : mettre de très bonnes notes et éviter les mauvaises. "Comme on nous le précise bien, lors de cette réunion, les notes au-dessous de 5 sont réservées aux "non-copies"... à celles qui se moquent ostensiblement du correcteur."
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Bien qu'obligatoire, la réunion (d'harmonisation, NDLR) ne fait jamais le plein. Cette année, il y est allé pour nous raconter : "Chaque enseignant écoute sagement la lecture d'une vraie copie apportée par un correcteur, puis inscrit la note qu'il mettrait sur un petit morceau de papier qu'il plie. Au dépouillement, la première copie lue s'est retrouvée notée entre 8 sur 20 et 19 sur 20. Cet élève aurait eu 2 % de risque ou de chance d'avoir 8 sur 20 et autant d'avoir 19 sur 20. 4 % d'avoir 9 et autant 17. Les notes des 42 autres correcteurs présents ce lundi dans la salle s'échelonnent entre 11 et 16. Le maître de séance remarque d'une voix neutre que "ça fait beaucoup d'écart, mais c'est normal, on est au début du travail"." Le souci, c'est que, si elle a un début, la réunion n'a pas vraiment de fin. La moitié de la salle disparaît à la pause-café, Denis R. en tête.
Y aurait-il donc une exception philosophique ? Une impossibilité à corriger objectivement cette discipline en particulier ? On pouvait le croire jusqu'à ce que l'économiste de l'éducation Bruno Suchaut montre, en 2008, sur des devoirs de sciences économiques et sociales du bac donnés à une série de correcteurs, qu'un candidat sur trois décroche ou rate le premier diplôme du supérieur selon les correcteurs sur lesquels il tombe.
Notre philosophe goûte le vocabulaire de la réunion. Dans la bouche du maître de séance, qui "parle couramment la langue de l'inspection", un bon devoir devient "une copie qui pense". Lorsque le niveau est un cran en dessous, "l'élève s'est battu avec le sujet". Il faut, dans tous les cas, "respecter un principe de bienveillance herméneutique" - traduction du correcteur : "Même si on ne comprend rien à la copie, il ne faut pas oublier qu'il y a une personne derrière."
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"Après lecture attentive il y liste les points forts et les points faibles. "Pour les bonnes copies, je commence par les points forts ; pour les moins bonnes par les points faibles. L'orthographe approximative en fait partie." Il compte en moyenne une demi-heure par élève. Ensuite, il classe le devoir dans la chemise qui correspond à son niveau. En fin de travail, il les reprendra un à un, les réétudiera, y apposera la note définitive et quelques appréciations. A l'encre noire. Il y tient."
"Tout l'art du correcteur est de ne pas pénaliser un lycéen prêt pour le supérieur, et de ne pas y envoyer celui qui n'a pas le niveau."
La réponse, il ne la trouve pas à la réunion d'harmonisation du mardi 30 juin. Sur les 48 correcteurs présents à la réunion de cadrage, une dizaine sont revenus. Chacun a donné la moyenne de ses copies. "J'ai découvert que j'étais le plus sévère avec mon petit 8 de moyenne", raconte Denis R. Il a lu des copies corrigées par quelques-uns de ses voisins de salle, a constaté qu'il était moins généreux qu'eux. Mais il maintient : "Une dissertation qui enchaîne les références sans poser de problématique et sans répondre à la question ne vaut pas 10 à mes yeux."
"Il faudrait savoir si on note des connaissances ou une capacité à traiter un sujet." La question ne date pas d'aujourd'hui. Et elle risque de troubler encore la correction de quelques marathoniens du bachot.
A vous de juger!
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